Lockheed Martin : le poids lourd de la défense sous surveillance

01/07/2025
Lockheed Martin : le poids lourd de la défense sous surveillance
Lockheed Martin : le poids lourd de la défense sous surveillance

L'entreprise américaine Lockheed Martin, souvent considérée comme un pilier de l'industrie de défense mondiale, traverse une phase de consolidation stratégique. Face à un environnement géopolitique sous tension, elle doit arbitrer entre innovation, dépendance publique et diversification de ses relais de croissance.

1. Un empire industriel entre inertie et anticipation

Fondée en 1995, Lockheed Martin est aujourd'hui la première entreprise de défense au monde en termes de chiffre d'affaires. Elle concentre ses activités autour de quatre pôles majeurs : l'aéronautique, les systèmes rotatifs et de mission, les missiles et systèmes de tir, et l'espace. Avec plus de 67 milliards de dollars de revenus en 2023 et un carnet de commandes dépassant les 173 milliards, le groupe se situe à l'épicentre du complexe militaro-industriel américain.

Mais derrière cette puissance se cache une structure fortement dépendante des contrats publics, et notamment des États-Unis, qui représentent 73 % de ses revenus. Cette concentration géographique, couplée à une culture contractuelle rigide, pose la question de la résilience du modèle si les arbitrages budgétaires venaient à évoluer.

L'enjeu pour Lockheed n'est donc pas tant de croître, que de préserver ses positions tout en réorientant une partie de sa R&D vers des axes stratégiques comme l'intelligence artificielle militaire, les systèmes autonomes ou encore l'espace extra-atmosphérique.

2. Des fondamentaux financiers solides mais une valorisation bridée

Sur le plan financier, Lockheed Martin affiche des résultats qui témoignent d'une gestion efficace dans un secteur capitalistique. Au T1 2025, le chiffre d'affaires a progressé de 4,47 %, tandis que le bénéfice par action a dépassé les attentes avec 7,28 dollars, en hausse de 15 %. Le segment "Missiles et contrôle de tir" connaît une dynamique particulière (+12,7 %), reflet d'une demande croissante pour les systèmes de dissuasion dans un monde multipolaire.

Le rendement du dividende de 2,71 %, accompagné de 22 années consécutives de hausse, reste un marqueur fort de stabilité pour les actionnaires. Le ratio de distribution (44,57 %) est raisonnable et permet de concilier rémunération des actionnaires et réinvestissements.

Cependant, la valorisation boursière reste contenue, avec une progression de l'action de 30 % sur cinq ans, un rythme plus modéré que celui de concurrents comme Northrop Grumman ou Raytheon. Le PER à 21 laisse entrevoir une marge de progression si les incertitudes actuelles se dissipent.

3. F-35, espace, IA : des opportunités sous contraintes

Parmi les projets emblématiques, le programme F-35 Lightning II continue d'être à la fois une force et un risque pour Lockheed Martin. Premier chasseur furtif vendu à l'international, il génère des revenus considérables mais reste sous le feu des critiques budgétaires. Le Pentagone envisage une réduction des commandes, et le Canada s'interroge sur le coût et la maintenance de ces appareils.

Pour compenser cette exposition, Lockheed renforce ses investissements dans les satellites de défense, les plateformes hypersoniques, et la cyberdéfense quantique, domaines où la croissance mondiale pourrait être à deux chiffres d'ici 2030.

Dans un monde fracturé, la défense redevient une priorité nationale. Lockheed Martin, à la croisée des chemins, devra prouver qu'elle peut rester incontournable tout en se réinventant. Comme le résumait l'ancien secrétaire à la Défense Robert Gates, « le plus grand danger pour l'innovation dans la défense, c'est de croire que ce qui a fonctionné hier fonctionnera encore demain ».